lundi 15 décembre 2014
vendredi 4 avril 2014
jeudi 20 février 2014
MASSACRE A CHARONNE
MASSACRE
A CHARONNE
8
février 1962
Adossé
aux portières, il observait les voyageurs monter par groupes. A
mesure que le métro approchait de la Bastille, la foule se faisait
plus dense. Du fond de la voiture, il pouvait tous les voir. Nul
besoin de les interroger, c’est bien vers la même destination
qu’ils se dirigeaient. Aux arrêts personne ne descendait. Beaucoup
venaient en bandes, pancartes à la main, banderoles roulées sous le
bras, vignettes agrafées au revers du manteau ou du veston. Ils
échangeaient des réflexions joyeuses, parlaient un peu trop fort,
tout emplis de cette exaltation anxieuse qui précède les
manifestations.
Depuis quelques mois,
Paris vivait dans une fébrilité inquiète. Les attentats de l'OAS
ponctuaient de leurs explosions les nuits de la capitale. Leur liste
s'allongeait de jour en jour. Monuments publics, personnalités
connues pour leur opposition à la guerre d'Algérie, hommes
politiques constituaient des cibles désignées. La conclusion
imminente, inéluctable et logique du conflit par la reconnaissance
de l'indépendance algérienne était devenue pour la majorité des
français une évidence. L'exaspération désespérée de
l'organisation ultra s'en trouvait poussée au paroxysme. Rejetée en
France dans la clandestinité, elle ne trouvait pas le moindre
soutien dans la population et tentait désespérément d'empêcher
l'inéluctable par la terreur. En Algérie, le sang déjà séparait
irrémédiablement les deux communautés, la française et
l'algérienne. La métropole, tout au long du conflit, avait connu
les attentats. D'abord, les algériens, règlements de compte entre
organisations rivales. Maintenant, ceux de l'OAS, ceux de la
dernière heure. Les français ne voulaient plus de cette guerre sans
nom, interminable dont les conséquences avaient failli mettre en
danger les institutions républicaines. Ils voulaient en finir.
L'OAS pourtant
s'acharnait. Hier encore, la nuit avait retenti des explosions. Dix
fois. Au matin, à la une de tous les grands quotidiens, le portrait
défiguré d'une fillette, avait provoqué une houle de stupeur
indignée. Une bombe aveugle, visant un ministre, avait frappé cette
innocente. C'en était trop. Le visage ensanglanté de l'enfant avait
bouleversé l'opinion et fait lever la colère.
La rame se vidait
progressivement à l'approche du point de rassemblement. Sur les
quais un flot continu se dirigeait vers les sorties. A la Bastille le
train arriva presque sans voyageurs. Lui, était descendu à la
station précédente, le c?ur
un peu plus rapide qu'il ne l'aurait voulu. Il savait qu'il ne
fallait jamais descendre à la station de métro du point de
rassemblement car la police en bloquait souvent la sortie. Parvenu
dans la rue, il constata qu'une forte concentration policière
interdisait l'accès de la place de la Bastille et des rue
adjacentes. Comme à l'habitude la manifestation avait été
interdite, Maurice Papon, le Préfet de Police alors en place
prétextant les entraves à la circulation ! La foule tournait
le dos au barrage et s'écoulait calmement et silencieusement par le
boulevard Beaumarchais, noir de monde, en direction de la République.
Plus elle avançait plus elle devenait compacte. Les manifestants
marchèrent bientôt au coude à coude. Les banderoles enfin
déployées ponctuaient le flot de larges taches blanches et
oscillantes. Bientôt les premiers slogans retentirent.
Il était maintenant au
c?ur
du cortège mais l'impression d'enfermement que lui donnait la foule
le rendait mal à l'aise. Son regard ne portait pas au-delà des
rangs qui le précédaient immédiatement. Il résolut de s'extraire
du défilé et de continuer sa marche sur le trottoir où la masse
était moins dense. Il ne criait pas avec les autres.
La nuit était tombée,
ajoutant à la tension. Au bout de quelques centaines de mètres le
cortège ralentit soudain puis s'immobilisa. D'autres manifestants,
qui les avaient précédés, formaient barrage. Derrière eux, rang
après rang, la masse s'accumulait sur toute la largeur du boulevard.
Se haussant sur la pointe des pieds, il aperçut, loin devant le
barrage de police qui les bloquait. Sur plusieurs rangées les
policiers faisaient face aux manifestants. On s'affrontait du regard,
poitrine contre baudrier, aucun espace libre ne séparant les uns des
autres. Il vit que les organisateurs de la manifestation tentaient de
parlementer avec les commissaires. Les casques luisaient dans la
lumière jaunâtre des lampadaires. Au harnachement, il crut
reconnaître des gardes mobiles, mousqueton à l'épaule,
cartouchière à la ceinture. Plusieurs rangées de véhicules en
chicane en travers du boulevard, derrière les gardes faisaient
office de point d'appui et constituaient un obstacle quasiment
infranchissable. La foule continuait de se masser en un flot continu
et, inconsciente de la présence policière, exerçait une pression
de plus en plus forte sur les premiers rangs. Insensiblement, le
barrage reculait. Ceux qui se trouvaient à son contact ne parlaient
plus. Plus un cri, plus un slogan. Cet affrontement silencieux avait
quelque chose d'impressionnant et d’angoissant qui laissait
pressentir le drame imminent. Les gardes avaient saisi leur fusil à
deux mains, par le canon et la crosse, et le tenaient horizontalement
bras tendus devant eux pour tenter de freiner la progression de la
foule grossie à chaque instant de centaines de nouveaux
manifestants. Les rangées se pressaient les unes contre les autres,
créant une marée où ondulaient banderoles et drapeaux. Ceux qui
loin derrière ne pouvaient distinguer la tête du cortège
continuaient leur poussée sans cesser de crier des mots d'ordre.
"Paix-en-Algérie", "OAS-SS",
"Le-fascisme-ne-passera-pas !"
Les policiers avaient
reculé de plusieurs mètres. Sous la pression ils avaient du mal à
maintenir l'ordre de leurs rangs et leurs lignes arrières se
trouvaient maintenant acculées contre les camions sans retraite
possible. Le barrage menaçait de céder. Officiers et inspecteurs
manifestaient une évidente nervosité.
Au plus fort de la
poussée un ordre retentit, incompréhensible et brutal. Une lumière
bleue extrêmement violente émise par une batterie de projecteurs
braqués sur le cortège aveugla tout le boulevard. Surprise, la
foule hésita et relâcha sa pression et les premiers rangs tentèrent
de refluer, trop tard. La charge aussitôt ordonnée, les gardes
mobiles saisirent leur mousqueton par le canon et avancèrent,
d'abord au pas puis en courant. Les manifestants les plus avancés,
bloqués par ceux qui les suivaient furent dans l'impossibilité de
reculer. La charge les faucha, les renversant les uns par dessus les
autres. Les gens par dizaines, surpris s'effondraient sous les coups
de crosses, le visage ensanglanté. Le bruit des chocs contre les
crânes résonnait horriblement. Utilisé comme matraque le
mousqueton occasionnait d'impressionnantes blessures.
Systématiquement et méthodiquement pourchassés, acculés dans les
portes cochères, hommes et femmes s'écroulaient au sol les mains
maladroitement croisées sur la tête pour se protéger des coups.
Beaucoup restaient à terre, blessés, au milieu de minces rigoles de
sang.
La charge avait dégagé
un large espace devant elle, ce qui avait permis au reste de la
manifestation de se ressaisir et de refluer en meilleur ordre. Des
trottoirs la foule conspuait la police. Après la première charge,
une seconde, puis une autre, une autre encore, vague après vague. La
tactique policière procédait d'un plan délibéré. L'ordre de
charger la foule avait libéré une brutalité inouïe chez les
policiers. Les manifestants isolés se retrouvaient rapidement
encerclés et abattus à coups de mousquetons. La violence avait
atteint un paroxysme. Le boulevard couvert de centaines de paires de
chaussures, de lunettes broyées, d'écharpes et de vêtements
offrait un étrange spectacle.
La foule pourtant
n'abandonnait pas la rue. Fuyant les vagues policières elle se
réfugiait dans les rues adjacentes, s'encoignait dans les entrées
d'immeubles et revenait occuper le centre de la chaussée dès
qu'elle se libérait. La police avait perdu le bénéfice de la
surprise, elle frappait désormais dans un grand corps fluide qui se
dérobait aux coups. Sa fureur s'en trouvait exaspérée.
Le quartier qui s'étend
de la Bastille à la République possède une curieuse particularité.
Sur presque toute leur longueur le boulevard Beaumarchais et le
boulevard du Temple qui le prolonge vers la République, sont bordés
en contrebas par la rue Hamel. La différence de niveau entre les
voies a rendu nécessaire la construction d'escaliers d'accès en
bordure de terrasses attenantes aux boulevards. Durant les charges,
ces terrasses constituaient d'excellents refuges et la police trop
occupée à faire le vide sur la chaussée les négligeait. A chaque
vague, donc, elles s'emplissaient d'une foule compacte qui, une fois
le calme rétabli, avant la charge suivante, s'en servait comme bases
de départ pour reconquérir la rue.
On dut s'en apercevoir
dans le commandement car à partir d'un certain moment les policiers
s'efforcèrent de nettoyer également les terrasses. Ils avaient reçu
le renfort de C.R.S. Ceux-ci, plus jeunes, mieux équipés que les
gardes mobiles, se montraient beaucoup plus agressifs. Spécialement
entraînés à la répression, ils montraient une redoutable
efficacité et la foule parisienne ne les en haïssait que plus.
Casqués, le visage couvert d'un masque destiné à les protéger des
gaz lacrymogènes, revêtus d'une épaisse cape de cuir descendant
presque aux chevilles, le bras prolongé d'une matraque de près de
deux mètres, ils étaient quasiment invulnérables. C'était la
nouvelle vague des répressifs, loin des policiers quadragénaires
poussifs à la capeline plombée que l'imagerie populaire gardait
encore en mémoire. Ceux-là, les nouveaux, c'était du sérieux, du
féroce. Ils ne tardèrent pas à le démontrer.
Sous leur pression une
centaine de manifestants se trouva à un moment refoulée sur l'une
des terrasses. Celle-ci formait un rectangle dont le côté s'ouvrant
sur le boulevard était barré par la police. Des immeubles bordaient
les deux cotés perpendiculaires. Le quatrième coté, fermé par des
rambardes métalliques surplombait la rue Hamel. L'escalier, au
centre, constituait la seule échappatoire possible, bien trop
étroite. La foule emplissait complètement l'espace disponible.
Fuyant les coups elle se massait contre les rambardes. L'escalier
ralentissait dramatiquement les échappées. Ceux qui avaient réussi
à fuir s'étaient rassemblés dans la rue en contrebas, au pied de
la terrasse. Il était parmi eux, calme désormais. La violence des
affrontements avait paradoxalement dissipé son angoisse. La scène
qui se déroula soudain sous ses yeux le laissa incrédule. En haut,
la foule ne parvenait toujours pas à se dégager. La police
s'acharnait. Quelques manifestants tassés entre les rambardes et le
mur qui tentaient de s'échapper en longeant le trottoir se
retrouvèrent plaqués contre la façade d'une boutique. Une
boulangerie. Une nouvelle charge les balaya. La vitrine comprimée
par des dizaines de dos explosa soudain. Un petit groupe,
déséquilibré, fut projeté à l'intérieur, au milieu des
croissants et des petits pains. Beaucoup, gravement atteints par les
éclats de verre, ne se relevèrent pas. Les C.R.S. complètement
déchaînés poursuivaient les malheureux, blessés ou valides et
balançaient méthodiquement dans le vide ceux qu'ils parvenaient à
acculer aux rambardes. Dans la rue en bas, la foule hurlait son
indignation et se précipitait au pied des terrasses pour amortir les
chutes. Un ouvrier en bleu de travail surgit soudain, monta les
escaliers en courant et saisissant une pierre, qu'il avait dénichée
on ne sait où, la lança sur les policiers en criant : "On vous
paye, salauds !" Il n'eut que le temps de dévaler les marches
en sens inverse pour éviter un matraquage sévère.
Le temps passait. La
police tentait maintenant de dégager la rue Hamel, étroite et
bordée de voitures des deux côtés. Sur le boulevard la foule ne
cédait pas le terrain. Elle résistait. A la suite de chaque charge
des cars de police sirènes hurlantes sillonnaient la rue et les
trottoirs à toute vitesse, pourchassant les manifestants, tournoyant
dans la foule. Au cours de l'une de ces chasses, l'un d'entre eux,
imprudent, s'aventura trop loin des siens. La manifestation aussitôt
se referma sur lui et l'engloutit. De loin on put le voir tanguer
sous les assauts. Des manifestants par dizaines s'agrippèrent à ses
portes, au grillage de ses fenêtres. Sa portière avant gauche
soudain s'ouvrit et se déchira comme du papier. Les policiers
s'échappèrent par l'arrière, à l'exception du conducteur qui fut
extrait de sa cabine. Blême de peur, il brandit son arme de service
pour tenter de se dégager mais fut rapidement désarmé. On
n'aperçut plus que ses bras, un bref instant, s'agiter au-dessus des
têtes, puis il fut comme englouti par la foule. Allaient-ils le
lyncher ? Non, quelques instants plus tard, il réapparut, hirsute,
dépenaillé, s'enfuyant sous les insultes.
La police tentait
maintenant de dégager la rue Hamel, étroite et bordée de voitures
en stationnement. Les charges ne pouvaient se déployer comme sur les
boulevards. Chaque charge, comme le mascaret, balayait la chaussée
chassant la foule devant elle, puis refluait à bout de course,
aussitôt suivie par les manifestants.
Il prenait part à cet
incessant et étrange ballet. Son père lui avait dit : "Ne
cours jamais, les flics ne frappent que ceux qui fuient." A la
première charge, il maîtrisa son envie de fuir et s'efforça de
marcher le plus calmement possible décidé à vérifier la théorie
paternelle. Au début tout alla bien, policiers et manifestants le
dépassèrent en courant, les uns poursuivant les autres. Il se
félicitait déjà de l'efficacité de la méthode lorsqu'un grand
bruit de chute, accompagné d'une sensation de souffle derrière la
tête, le fit se retourner. Un C.R.S. affalé en travers du capot
d'une voiture agitait sa matraque dans sa direction. Il comprit que
son salut n'était dû qu'à la maladresse du policier. Le léger
souffle n'était rien d'autre que la matraque passant tout près de
sa nuque. C'était clair, la théorie de son père possédait une
faille. Toute la peur qu'il était parvenu à contenir se libéra
soudain et le fit détaler à toutes jambes. Lorsqu'il arrêta sa
course, essoufflé, il songea, souriant : " Il faudra que je
raconte cela à Papa !"
Ils tinrent encore la rue
une heure ou deux. La police en haut sur le boulevard, eux en bas
dans les rues adjacentes. Puis il fut décidé de rentrer. Le peuple
parisien avait amplement démontré sa détermination sans qu'il fût
nécessaire de prolonger les affrontements. La consigne parcourut les
rangs : "Dislocation ! ". Il se remémora la règle. Ne
jamais traîner et se hâter de rentrer dans le calme. La dispersion
d'une manifestation est toujours propice aux provocations policières.
Un manifestant le dépassa : "Allez viens, petit, on rentre."
Il se dirigea vers la place de la République suivant la foule. Peu à
peu la circulation automobile se rétablissait.
Sur tout le trajet on
pouvait observer la trace des affrontements, pancartes lacérées,
paires de lunettes tordues, foulards, chaussures par centaines. Des
infirmiers, le brassard marqué d'une croix rouge, s'affairaient
autour des blessés, innombrables. Un homme, distingué, en costume
strict, assis sur l'un des bancs du boulevard, la tête ensanglantée,
se penchait en avant, écartant maladroitement la chemise de son cou.
Passant tout près, il l'entendit murmurer au secouriste qui le
pansait : "Je vous en prie, prenez garde à mon col de chemise."
La maison était grande
ouverte. Dès l'entrée il fut frappé par l'atmosphère oppressante.
La chienne, contrairement à son habitude, n'était même pas venue
l'accueillir. Dans la salle de séjour, violemment éclairée, la
télévision retransmettait des images de la manifestation. Sa mère
lui tournait le dos. Elle ne l'avait pas entendu entrer. Lorsqu'il se
pencha vers elle, il la vit, hébétée. Elle mit quelques secondes à
s'extraire des images et
dit simplement :
"Il y a eu des morts."
La violence policière,
il l'avait vue à l'?uvre,
mais jamais il n'aurait imaginé qu'elle pût aboutir à des morts
d'hommes. Cela lui paraissait anachronique. Brusquement, il comprit
quelles angoisses avait dû vivre sa mère, seule à la maison tandis
que son frère, lui et son père se trouvaient quelque part dans
Paris, au milieu de la manifestation.
Les questions se
bousculaient. "Combien ? ", "Ont-ils donné des noms ?
", "Et Papa et Claude où sont-ils ? " Le journal
télévisé laissait filtrer les nouvelles par bribes. Au cours de la
soirée, le chiffre de huit morts fut annoncé. Il y avait également
de très nombreux blessés. Rien sur les circonstances. Tard dans la
soirée, le ministre de l’intérieur, Roger Frey, vint donner la
version officielle des faits. La haine au visage il accusa "les
provocateurs communistes armés de gourdins qui s'en étaient pris à
la police ! " Pauvre et tragique mensonge. On sut la vérité
quelques heures plus tard, par des témoins et des journalistes. Au
moment où un cortège se dispersait, à proximité du métro
Charonne, la police qui barrait les issues chargea brutalement et
sans préavis. Quelques élus, ceints de leur écharpe, qui s'étaient
portés en avant pour parlementer furent violemment matraqués. La
foule surprise s'enfuit en désordre. Quelques dizaines de
manifestants coururent se réfugier dans la station de métro et se
trouvèrent bloqués contre les portes fermées. Du trottoir, les
policiers jetèrent sur eux grilles en fontes servant à protéger
les arbres et lourdes tables de café avec l'évidente intention de
tuer. Par la suite, le gouvernement dut promettre de punir les
responsables. Mais il n'y eut jamais d'enquête véritable et aucun
coupable ne fut jamais découvert et a fortiori puni. On apprit
simplement que la section de policiers incriminée était
complètement infiltrée par l'OAS, ce qui n'était pas rare à
l'époque. Des témoins racontèrent que juste avant la charge les
policiers avaient scandé avec leurs pieds le slogan "Algérie
française !". Trois coups rapides, deux coups longs.
Claude rentra enfin. Il
ne savait rien. A la nouvelle, il s'assit et posa la même question :
"Et Papa ? ".
Il fallait attendre. A
minuit, sonnerie du téléphone. On se rue. La mère est la première.
"Où es-tu ? " A l'autre bout, la voix est joyeuse. "Je
suis aux Halles. On se bat. Je suis coincé dans la cabine
téléphonique. Il y a des flics partout ! " On n'eut pas le
coeur à lui expliquer. Il ne savait rien. Il se battait contre la
police et pour lui, c'était ce qui comptait le plus. "Rentre,
Geo ! ".
On avait éteint, puis
rallumé la télévision., avides de nouvelles. On voulait
comprendre. Les camarades, nombreux avaient appelé. Il fallait faire
quelque chose. Mais quoi ?
Le père, lorsqu'il
arriva, était tout excité, les yeux brillants, un peu essoufflé et
inconscient du drame. "Qu'est-ce qu'on s'est battus ! ". Il
avait toujours eu des barricades dans la tête. A le regarder narrer
la "bataille des Halles", sans leur laisser le temps de
placer un mot, ils voyaient défiler dans ses yeux tous ses rêves.
La Commune, 1848, 36, Gavroche, Octobre..
"Papa,
il y a eu huit morts. " Il s'arrêta net. On devinait que
d'autres images remplaçaient les premières. Ce n'était plus les
Trois Glorieuses, c'était la Ricamarie. Ainsi, ils pouvaient encore
tuer ? La colère succéda à l'accablement. Une nouvelle colère.
Le lendemain, la France
frappée de stupeur, s'immobilisa deux heures pour la mémoire des
siens et, cinq jours plus tard, Paris quadrillé par une police
invisible, portait, silencieux et innombrable, ses morts au Père
Lachaise.
G.
Chouteau 1995
dimanche 9 février 2014
Le grand voyage
LE GRAND VOYAGE
Quatrième épisode des aventures des quatre super(minuscules) héros de Gogoville !
Scénario
: Papy
Dessins
: Papy
Coloriages
: Papy
Relecture
: Mayrig
Bizarréditions,
avril 2010
Aux
quatre super ( minuscules) héros de Gogoville
Super
Simon, Cyber Jeanne, Juju Tornade et Romane Non-Non
Chapitre
1
Où
les habitants de Gogoville prennent une grande décision.
Gogoville
est devenue une grande et paisible cité. Ses grandes maisons
fleuries dominent de longues rues piétonnes que les habitants
parcourent en flânant ou en se hâtant, tout à leurs occupations.
Au
centre de la ville, une immense tour se dresse. A son sommet, un
belvédère de verre permet d'admirer le panorama. C'est de là que
chaque jour nos quatre super (minuscules) héros, Super-Simon,
Cyber-Jeanne, Juju-Tornade et Romane-Non-Non exercent leur
surveillance. Mais, depuis la dernière visite des extraterrestres (voir Gogoville 1),
il ne se passe pas grand chose à Gogoville et nos super
(minuscules) héros commencent à s'ennuyer.
Pourtant,
on se souvient que se croyant attaqués par une armée d'aliens
venant d'une autre galaxie, les gogovilliens avaient opposé une
farouche résistance, à coup de lasers surpuissants et mis en
déroute les visiteurs.
Plus
tard, ils s'étaient rendu compte de leur méprise. Les
extraterrestres étaient sans nul doute venus avec des intentions
pacifiques et Gogoville regrettait énormément de les avoir chassés.
Aussi,
le Grand Conseil de Gogoville se réunit-il d'urgence. Après un
interminable discours du Président La-Barbe, qui dura cinq heures,
tout le monde dormait dans l'assistance, on finit par décider de
faire tout ce qu'il fallait pour recevoir amicalement les aliens,
s'ils revenaient.
Pour
commencer, on décida de transformer le super laser
électro-zygomatique lanceur de blagues débiles, mis au point par
les savants fous de Gogoville, pour vaincre les super héros
malfaisants (
voir Gogoville 2), en un télescope ultra perfectionné, capable de
détecter les astres les plus lointains.
C'est
à nos quatre super (minuscules) héros que fut confié son
fonctionnement.
Mais
tous les habitants de Gogoville voulurent, eux aussi, observer le
ciel. C'est ainsi qu'à chaque nuit claire et sans lune la plage (car
Gogoville est un port) se peuplait d'astronomes amateurs scrutant les
profondeurs du ciel avec les instruments les plus variés.
Les
jours, ou plutôt les nuits passaient et rien ne se produisait. On
commençait à se lasser et, beaucoup se mirent à penser que jamais
les extraterrestres ne reviendraient.
Chapitre
2
Où
l'énigme d'une certaine tour penchée est enfin résolue.
Un
matin pourtant l'observatoire transmit un nouvelle d'importance. Un
astre très lumineux venait d'être détecté dans la Voie Lactée.
Il semblait se mouvoir très rapidement en direction de la Terre. Le
deuxième jour l'astre était devenu visible à l'œil nu et le
troisième, il occupait presque tout le ciel. Ce n'était pas une
météorite, donc, plus de doute, les visiteurs revenaient !
Aussitôt
ce fut l'effervescence dans Gogoville. Chacun s'apprêta à recevoir
dignement les visiteurs. Nos quatre super (minuscules) héros
rassemblèrent des masses de cadeaux. Super -Mayrig-Tuclik-Tuclik se
mit à confectionner des dizaines de klougs, tandis que Kéclaire Mariannélu préparaient des hectolitres de tisanes aux parfums
les plus exotiques. Lu aurait bien voulu savoir si les
extraterrestres sauraient se servir des rollers qu'il voulait leur
offrir. Do quant à lui, se demandait si un brochet à la sauce
Nantua serait apprécié et s'en enquit auprès de Mariannélu qui
lui répondit qu'il n'avait qu'à essayer. Lu, Kéclaire, Mariannélu
et Do avaient été libérés de la prison où ils avaient été
enfermés à la suite de leur attaque manquée contre Gogoville. Ils
étaient désormais devenus d'honnêtes citoyens.
Le
quatrième jour on entendit un énorme grondement. Nos quatre super
(minuscules) héros se précipitèrent sur le lieu d'où semblait
parvenir le vacarme.
Un
gigantesque vaisseau se posa au milieu d'un immense nuage de vapeurs
bleues. Le sol tremblait tout autour.
Quand
la fumée se dissipa, l'astronef apparut. Il ressemblait à une tour.
Tout à coup, il se mit à osciller et à s'incliner lentement. Le
sol sous lui s'affaissait à cause de son énorme poids. Allait-il
s'effondrer ? Angoissés, nos quatre super (minuscules) héros
redoutaient sa chute. Mais il finit par s'immobiliser.
Soudain,
l'énorme sphère qui le surmontait, lançant une intense lumière
jaune par ses multiples hublots, se détacha en douceur du sommet et
se posa lentement et en silence sur le sol. Sa porte s'ouvrit
laissant une lumière encore plus intense illuminer la prairie
environnante.
Timidement,
nos quatre super (minuscules) héros disposèrent leurs cadeaux
devant l'entrée et attendirent.
Rien.
Personne ne se montrait. Le vaisseau était-il vide, ses occupants
morts ? Non. Tout à coup quatre êtres étranges apparurent dans
l'embrasure. Ils souriaient et avaient l'air aussi intimidés que nos
quatre super (minuscules) héros. Ils s'immobilisèrent sur le
seuil en les regardant sans rien dire.
Personne
ne prononçait une parole. Mais soudain le plus grand des
extraterrestres s'approcha de Cyber-jeanne et, pointant un des trois
doigts de sa main droite sur sa poitrine dit : « Ab »
A
son tour, un autre vint au-devant de Super-Simon et prononça :
« Cd », puis le troisième annonça : « Ef »
face à Juju-Tornade et enfin le quatrième s'approcha de
Romane-Non-Non en disant : « Gh ».
Nos
héros comprirent que les visiteurs venaient de se nommer
et
ils en firent autant. Chacun à son tour donc, dit son nom :
« Super-Simon »
dit Super-Simon, « Cyber-Jeanne », dit Cyber-Jeanne,
« Juju-Tornade », dit Juju-Tornade et « Romane-Non-Non »
dit Romane-Non-Non.
« Merci
de nous accueillir » dit Ab, qui ajouta : »Nous sommes
venus en amis ».
« Mais,
vous parlez notre langue ! » s'exclamèrent nos quatre super
(minuscules) héros. « Comment cela se fait-il ? »
« Je
vais vous l'expliquer », déclara Ab, « Mais, auparavant,
il faut nous suivre. Nous allons vous emmener sur notre planète »
« Maintenant,
là, tout de suite ? » crièrent en chœur nos quatre super
(minuscules) héros.
« Oui,
mais nous ne pourrons pas utiliser notre vaisseau, que nous avons
endommagé à l'atterrissage. Nous allons donc
l'abandonner
sur votre planète et utiliser un autre moyen » expliqua Cd qui
avait l'air d'être le savant de la bande.
« Quel
moyen ? »
« Patience,
nous allons vous le montrer bientôt. Suivez nous. »
Chapitre
3
Où
le mystère de la disparition des dinosaures est enfin éclairci.
Pendant
qu'ils s'éloignaient du vaisseau, Ab expliqua : « En réalité,
nous avons occupé la Terre bien avant vous. Il y a cent millions
d'années. Nous avions un aspect très différent de celui que nous
avons aujourd'hui. C'est l'évolution qui nous a transformés. »
« A
une certaine époque, la Terre est devenue trop froide »,
continua Gh. « Nous avons pris la décision de la quitter,
sinon, nous aurions succombé au froid glacial qui commençait à
envahir la Planète. »
Ef
intervint : « Pendant plusieurs centaines d'années, nous
avons construit d'énormes vaisseaux interplanétaires capables
d'embarquer toute la population. Il y a un type qui a fait la même
chose chez vous, bien plus tard. Vous l'appelez Noé, je crois. Mais,
lui, il n'a pas sauvé tout le monde. »
« Quand
tout fut prêt, » reprit Ab, « nous embarquâmes.
Nos fusées étaient tellement énormes qu'elles creusèrent de
gigantesque cratères en décollant »
«Vos
savants actuels croient que ces cratères ont été produits par une
gigantesque météorite, mais ce n'étaient que nos vaisseaux. La
planète que nous avons choisie est située dans la galaxie
d'Andromède. De là-bas, nous n'avons pas cessé de vous observer et
nous vous avons souvent rendu visite, mais sans jamais atterrir. Nous
avons eu le temps d'apprendre toutes vos langues. Maintenant le temps
presse, venez, il faut y aller.»
« Nous
allons emprunter un trou noir et passer par un hyper-espace. C'est
une technique que nous maîtrisons parfaitement »
« Au
début, c'est à dire, il y a cinquante mille ans, cela ne se passait
pas très bien. Les gens n'arrivaient pas toujours dans le bon ordre,
ce qui rendait nos savants soucieux »
« Maintenant,
tout est parfaitement au point » affirma Cd, « cependant,
le passage secoue un peu. Vous risquez d'être déshabillés. Mais
c'est sans danger. » continua-t-il.
« Dès
que vous verrez l'entrée du trou noir, plongez la tête la première.
Tout ira bien »
Chapitre
4
Où
nos héros visitent une nouvelle planète et où
Super-Mayrig-Tuclik-Tuclik fait une entrée remarquée.
Nos
quatre super (minuscules) héros s'engagèrent donc courageusement
dans le trou noir dont Ab, Cd, Ef et Gh leur avaient indiqué
l'entrée. Quelques millionièmes de seconde plus tard, durement
secoués, mais entiers, ils arrivèrent sur une nouvelle planète où
leur quatre amis les avaient précédés. C'était HD80606b,
récemment découverte par les astronomes de Gogoville.
Ils
ne savaient pas qu'elle était habitée. Une foule immense, bigarrée
et joyeuse les acclama.
Un
grand extraterrestre, qui paraissait être le chef fit un très long
et
très
ennuyeux discours, que nous résumerons pour ne pas te lasser, ô
lecteur :
« Chers
visiteurs,
C'est
avec une joie immense que nous vous accueillons sur notre planète
hospitalière !
Les
habitants de Gogoville sont nos amis tout comme Super-Simon,
Cyber-Jeanne, Juju-Tornade et Romane-Non-Non ! Que votre séjour
chez nous soit des plus agréables !»
Ce
qui donna :
« Aroudaya
youyou kuic !
Ploutch
igloo zoom glof patati evasi onnéla glop !
Fopafopa
maissi maissi adidonk Gogoville.
Ebindidon
issonla oura oura Super-Simon, Cyber-Jeanne, Juju-Tornade
zak
Romane-Non-Non
! »
« Qu'est-ce
qu'il a dit ?» demandèrent nos quatre voyageurs.
« Il
a dit : bienvenue » répondit Ab.
Après
ce discours, la foule porta les quatre super (minuscules) héros de
Gogoville en triomphe.
Puis,
il fut décidé qu'ils iraient visiter la planète en compagnie de
Ab, Cd, Ef et Gh.
Ils
s'apprêtaient à partir lorsqu'un énorme vacarme se produisit du
côté du trou noir. On entendit un cri : « Aïe, ouille
! ». Ils se précipitèrent, et quelle ne fut pas leur surprise
de découvrir Super-Mayrig-Tuclik-Tuclik, un peu dépeignée et
ahurie assise sur le sol à la sortie du trou, un kloug fumant à ses
côtés !
« Mais
qu'est-ce que tu fais là ! » s'exclamèrent-ils.
« Ben,
je suis passée près du trou et je me suis penchée pour voir à
l'intérieur si vous y étiez. J'ai été brutalement aspirée et
….me voilà »
Comme
elle finissait sa phrase, une habitante de la planète s'approcha.
Elle portait sous le bras quelque chose qui ressemblait à un kloug
fumant.
« Kilcut-Kilcut-Giryam-Repus »,
dit-elle en montrant sa poitrine.
Super-Mayrig-Tuclik-Tuclik
lui tendit son kloug : « Kloug ! », aussitôt elles se
tombèrent dans les bras car « Kloug ! » en langage
intergalactique signifie « Pov' chou ! »
Les
deux commères, bras dessus bras dessous s'éloignèrent, bien
décidées à échanger leurs recettes.
« Où
allez vous ? N'oubliez pas de revenir ! » crièrent nos huit
super héros. Mais elles firent semblant de ne pas entendre et ne se
retournèrent pas.
« Venez »
dit Ab, « nous devons quand même continuer notre
exploration ».
Chapitre
5
Où
nos super (minuscules) héros se libèrent de la gravitation.
« Avant
de partir, nous devons nous équiper avec des ceintures
antigravitationnelles » expliqua Cd.
« Grâce
à elles nous pouvons nous élever dans l'air et nous déplacer sans
véhicule » poursuivit-il.
« Mettez-les.
Le bouton ventral sert à régler l'altitude, mais faites attention,
il faut l'utiliser délicatement. »
Nos
quatre super (minuscules) héros s'équipèrent et, comme l'avait
annoncé Cd constatèrent qu'un peu d'apprentissage était
nécessaire. Cependant, au bout de quelques minutes ils parvinrent à
naviguer sans encombre. Il fallut quand même inventer pour
Juju-Tornade la première ceinture antigravitationelle
intergalactique à bretelles.
Le
voyage commença.
« Comment
s'appelle votre planète ? » demanda Romane-Non-Non.
« Amania-khaghaghoutyoun »
dit Ab.
« Quelle
drôle de nom ! Et vous, vous êtes les Amania-khaghaghoutyouniens ?
Qu'est-ce que cela veut dire ? »
Ab
la regarda en souriant : « Comment s'appelle ta planète
? » dit-il.
« Eh
bien, la Terre ! » répondit Romane-Non-Non étonnée.
« Quel
drôle de nom ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous êtes donc
les Terriens ?» rigola Ab.
Romane-Non-Non
rosit, un peu honteuse. Elle venait de comprendre qu'on pouvait
paraître soi-même bizarre à des gens qu'on trouvait bizarres.
Ils
s'élevèrent dans l'air et soudain s'exclamèrent :
« Le
ciel est vert ! »
« C'est
vrai » répondit Gh, « il y a 65 millions de vos années,
nous avons choisi cette planète parce qu'elle avait deux soleils,
l'un bleu et l'autre orange. Ils donnent beaucoup de chaleur,
beaucoup plus que votre soleil, ce qui nous convient bien car, nous
descendons des reptiles comme vous le savez. Leurs lumière se
mélangent et donnent sa couleur verte à notre atmosphère. C'est
très reposant pour la vue ! »
Chapitre
6
Où
il est question du carré de l'hypoténuse.
Au
loin de grandes constructions apparurent.
« C'est
notre capitale. Nous l'avons bâtie il y a 100 000 ans. A cette
époque, il n'y avait même pas de singes sur votre Terre ! Nous
sommes très fiers de cette ville. Elle s'appelle Prabhâ, cela veut
dire Beauté ».
Ils
dépassèrent la cité et survolèrent une campagne magnifique avec
des champs multicolores, traversés par des rivières rose et
couverts d'arbres bleus. Ils crurent au loin apercevoir
Super-Mayrig-Tuclik-Tuclik. Dans le ciel de curieux véhicules
paraissaient flotter.
« Il
n'y a pas de routes !» s'exclama Super-Simon.
« Comment
faites vous donc pour vous déplacer ? » s'enquit Cyber-Jeanne
?
Ed
expliqua : « Ce que vous voyez, ce sont nos maisons. Elles
aussi sont
équipées
de systèmes antigravitation. On peut les déplacer comme on veut, de
sorte que nous n'avons besoin ni de
véhicules,
ni de routes, ni de trains, ni d'avions, ni de garages, ni de
parkings. »
« Quelle
belle planète ! » s'écrièrent nos super (minuscules) héros
« mais comment vos enfants font-ils pour aller à l'école ? »
« Qu'est-ce
que c'est l'école ? » interrogea Ef.
Eberlués,
nos quatre héros dirent : « Mais, c'est un endroit où vont
les petits Terriens pour apprendre. Ils y restent toute la journée
et le soir rentrent chez eux pour faire leurs devoirs. »
« Quel
ennui ! Chez nous, les enfants mettent un casque électro-pédagogique
avant de se coucher. Ils apprennent en dormant. Pas besoin d'aller à
l'école ! »
« Quelle
belle planète ! » s'écrièrent à nouveau nos super
(minuscules) héros. « Mais que font-ils dans la journée, les
enfants ? »
« Eh
bien, ils jouent, ils font du sport, des activités artistiques. Ils
visitent des musées ! »
« Bof
! » pensèrent nos quatre Terriens.
« Pourrions
nous les essayer ces casques ? » demandèrent-ils.
« Hélas,
je crains que non » dit Ab, « vos cerveaux et les nôtres
sont très différents, cela ne pourrait pas marcher »
Mais
pendant qu'il parlait, Juju-Tornade et Romane-Non-Non s'étaient
discrètement éclipsées. Lorsqu'elles revinrent, elles avaient
revêtu deux casques électro-pédagogiques, dénichés on ne sait
où, sans que les autres s'en aperçoivent. Elles poussèrent le
réglage à fond. Aussitôt des fumées légères accompagnées de
petits nuages bruns s'échappèrent de leurs crânes.
« Cela
chatouille ! » rigolèrent-elles. Mais aussitôt, elles prirent
un air très concentré et absent. Soudain, levant son index droit,
Juju-Tornade déclara gravement : « Le carré de
l'hypoténusse égale la somme des carrés des deux autres côtés ».
« Nuse,
pas nusse » répondit Romane-Non-Non.
« Quoi
? », s'écria Juju-Tornade.
« Nuze,
pas nusse » répéta Romane-Non-Non.
« Toi
même ! » rétorqua Juju-Tornade, fort courroucée.
Au
bruit de cette querelle, Ab s'approcha et découvrit avec horreur que
nos
héroïnes avaient désobéi.
« Oh
là là, elles ont mis des casques ! J'espère qu'elles n'ont pas
grillé trop de neurones ! »
Il
arracha les casques et, aidé des autres se mit faire des courants
d'air avec ses mains pour refroidir la tête de nos deux
désobéissantes.
« Elles
vont rester comme ça ? » s'inquiétèrent Super-Simon et
Cyber-Jeanne.
Comme
le soir tombait, nos huit héros se rendirent au bord de l'océan. Il
était rose et la lumière des deux soleils créait de
belles
couleurs violettes, bleues et orange dans les nuages. Ils restèrent
à contempler le merveilleux spectacle quelques minutes, sans un mot.
Puis,
Ab déclara : « Vous devez rentrer maintenant car le trou noir
va s'évaporer et vous ne pourrez plus rejoindre la Terre. »
Il
fallut donc se quitter. Ce fut triste car ils ne voulaient pas se
séparer.
Ab,
Cd, Ef et Gh très émus dirent : « Nous penserons à
vous quand vous serez revenus sur Terre. Un jour, nous vous ferons un
signe. »
Chapitre
7
Où
nos super (minuscules) héros rendent compte de leur mission et où
ils reçoivent un signal d' Amania-khaghaghoutyoun.
De
retour, nos quatre super (minuscules) héros furent reçus par le
Président La-Barbe de Gogoville.
« Alors,
comment c'était là-bas ? » demanda-t-il.
« Extrasupermégatroclasse
! » s'écrièrent en chœur
Super-Simon, Cyber-Jeanne, Juju-Tornade et Romane-Non-Non.
« Ils
n'ont pas de routes, pas de voitures, pas d'avions, pas de parkings
et ils peuvent voler dans les airs ! » ajoutèrent-ils.
« Et
surtout, pas d'école ! » renchérit Juju-Tornade.
« C'est
à peine croyable » pensa le Président.
« Et,
puis, il y a des hippos carrés nases » affirma
Romane-Non-Non.
« Qu'est-ce
qu'elle raconte ? » interrogea le Président, étonné.
« Rien,
rien » dirent les autre, « cela va passer »
« Comment
s'appelle leur planète ? »
« Amania-khaghaghoutyoun
! »
« Quel
nom bizarre ! »
« Mais
non, ce n'est pas bizarre ! C'est normal pour eux. » expliqua
doctement Romane-Non-Non, qui avait bien compris la leçon de Ab.
« Vont-ils
nous attaquer ? » s'enquit le Président.
« Mais
non, quelle bêtise ! Ils nous aiment. Et puis, ils sont bien plus
civilisés que nous. »
Alors,
le Président leur demanda d'aller raconter toute l'histoire au Grand
Conseil de Gogoville.
Ils
furent, une fois encore, acclamés et quelqu'un proposa : « On
pourrait
peut-être les porter en triomphe ? » Mais nos quatre super
(minuscules) héros protestèrent : « On en a marre d'être
portés en triomphe ! », et ils se retirèrent dans leur tour
d'observation.
La
vie à Gogoville reprit donc son cours paisible. Cependant nos
quatre super (minuscules) héros se demandaient bien par quel moyen,
Ab, Cd, Ef et Gh leur feraient signe.
L'évènement
se produisit une nuit. Les astronomes gogovilliens découvrirent dans
la galaxie d'Andromède quatre astres nouveaux au comportement bien
étrange. Ils paraissaient danser dans le ciel. On s'interrogea avec
anxiété. S'agissait-il d'une nouvelle invasion d'extra terrestres ?
On
se rassura bien vite car ces nouveaux astres ne se rapprochaient pas
de la Terre. Les quatre super (minuscules) héros avaient tout
compris dès le début, eux. Ils avaient compris que c'était le
signe promis qu'Ab, Cd, Ef et Gh leur envoyaient depuis la planète
Amania-khaghaghoutyoun.
Alors,
chaque fois que la nuit était claire ils allaient sur la plage
regarder monter du fond du ciel les étoiles dansantes et pensaient à
leurs amis lointains.
Chapitre
8
Où
les savants fous de Gogoville se déchaînent.
Libérés
du souci d'avoir à concevoir des armes terribles pour repousser
d'éventuelles invasions d'extra terrestres, les savants fous se
mirent a imaginer des tas de trucs et d'objets destinés à rendre la
vie des Gogovilliens plus facile.
C'est
ainsi qu'ils inventèrent :
Le
double tire-bouchon pour déboucher deux bouteilles à la fois A
Le
bouchon déjà percé B
La
boîte de conserve à ouverture rapide C
Le
calumet de la paix pour négocier à plusieurs D
La
serrure à double tour E
Le
stylo à ancre pour marin F
Le
vélo à deux guidons pour allers–retours G
L'escalier
sans marches H
Le
microscope géant pour observer les gros animaux I
Le
premier hélicoptère sous-marin J
Le
peigne pour chauves K
Le
dé sphérique L
Le
dénoyauteur de cerises électropneumatique M
Les
jumelles pour cyclopes N
La
tapette à mouche volante télécommandée O
La
banane-aubergine P
Enfermés
dans leur laboratoire ultra-secret, ils travaillent jour et nuit. On
dit qu'ils préparent d'autres merveilles.
Chapitre
9
Où
la révolte gronde à Gogoville.
A
Gogoville le calme ne dure jamais bien longtemps. Un beau matin, il
fallut se rendre à l'évidence : PLUS UN SEUL KLOUG dans les
boulangeries et les pâtisseries !
Plus
de petits-déjeuners nourrissants, ni de desserts consistants !
Alors
la colère des Gogovilliens éclata. De puissantes manifestations
organisées par le Comité
des Gogovilliens
Tonitruants
et le Club
des Fondus
De
la Tartelette,
parcoururent les rues.
C'est
à ce moment qu'on se rendit compte que Super-Mayrig-Tuclik-Tuclik
avait disparu !
Interrogés
nos quatre super (minuscules) héros reconnurent qu'ils ne
l'avaient pas vu revenir d'Amania-khaghaghoutyoun. Que s'était-il
passé ? Le trou noir s'était-il évaporé avant qu'elle ait pu y
parvenir ? S'était-elle trompé de trou noir et était-elle
maintenant égarée au fin fond de l'Univers ? Avait-elle été
enlevée par des aliens hostiles amateurs de klougs ?
Il
fallait agir d'urgence. Le Grand Conseil de Gogoville décida
d'organiser une nouvelle expédition intergalactique dont il confia
la direction à nos quatre super (minuscules) héros. Ceux-ci en
furent tout heureux car ils savaient qu'ils pourraient à nouveau
rencontrer leurs amis d'Amania-khaghaghoutyoun, Ab, Cd, Ef et Gh.
Mais
si tu crois, impatient lecteur, que je vais dès maintenant te
raconter cette histoire, tu te trompes, parce que, là tu vois, je
vais faire ma sieste.
Il
te faudra attendre le 5e épisode des aventures de nos quatre super
(minuscules) héros de Gogoville dans : Le
Château des klougs
!
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