jeudi 20 février 2014

MASSACRE A CHARONNE



MASSACRE A CHARONNE
8 février 1962


Adossé aux portières, il observait les voyageurs monter par groupes. A mesure que le métro approchait de la Bastille, la foule se faisait plus dense. Du fond de la voiture, il pouvait tous les voir. Nul besoin de les interroger, c’est bien vers la même destination qu’ils se dirigeaient. Aux arrêts personne ne descendait. Beaucoup venaient en bandes, pancartes à la main, banderoles roulées sous le bras, vignettes agrafées au revers du manteau ou du veston. Ils échangeaient des réflexions joyeuses, parlaient un peu trop fort, tout emplis de cette exaltation anxieuse qui précède les manifestations.
Depuis quelques mois, Paris vivait dans une fébrilité inquiète. Les attentats de l'OAS ponctuaient de leurs explosions les nuits de la capitale. Leur liste s'allongeait de jour en jour. Monuments publics, personnalités connues pour leur opposition à la guerre d'Algérie, hommes politiques constituaient des cibles désignées. La conclusion imminente, inéluctable et logique du conflit par la reconnaissance de l'indépendance algérienne était devenue pour la majorité des français une évidence. L'exaspération désespérée de l'organisation ultra s'en trouvait poussée au paroxysme. Rejetée en France dans la clandestinité, elle ne trouvait pas le moindre soutien dans la population et tentait désespérément d'empêcher l'inéluctable par la terreur. En Algérie, le sang déjà séparait irrémédiablement les deux communautés, la française et l'algérienne. La métropole, tout au long du conflit, avait connu les attentats. D'abord, les algériens, règlements de compte entre organisations rivales. Maintenant, ceux de l'OAS, ceux de la dernière heure. Les français ne voulaient plus de cette guerre sans nom, interminable dont les conséquences avaient failli mettre en danger les institutions républicaines. Ils voulaient en finir.
L'OAS pourtant s'acharnait. Hier encore, la nuit avait retenti des explosions. Dix fois. Au matin, à la une de tous les grands quotidiens, le portrait défiguré d'une fillette, avait provoqué une houle de stupeur indignée. Une bombe aveugle, visant un ministre, avait frappé cette innocente. C'en était trop. Le visage ensanglanté de l'enfant avait bouleversé l'opinion et fait lever la colère.
La rame se vidait progressivement à l'approche du point de rassemblement. Sur les quais un flot continu se dirigeait vers les sorties. A la Bastille le train arriva presque sans voyageurs. Lui, était descendu à la station précédente, le c?ur un peu plus rapide qu'il ne l'aurait voulu. Il savait qu'il ne fallait jamais descendre à la station de métro du point de rassemblement car la police en bloquait souvent la sortie. Parvenu dans la rue, il constata qu'une forte concentration policière interdisait l'accès de la place de la Bastille et des rue adjacentes. Comme à l'habitude la manifestation avait été interdite, Maurice Papon, le Préfet de Police alors en place prétextant les entraves à la circulation ! La foule tournait le dos au barrage et s'écoulait calmement et silencieusement par le boulevard Beaumarchais, noir de monde, en direction de la République. Plus elle avançait plus elle devenait compacte. Les manifestants marchèrent bientôt au coude à coude. Les banderoles enfin déployées ponctuaient le flot de larges taches blanches et oscillantes. Bientôt les premiers slogans retentirent.
Il était maintenant au c?ur du cortège mais l'impression d'enfermement que lui donnait la foule le rendait mal à l'aise. Son regard ne portait pas au-delà des rangs qui le précédaient immédiatement. Il résolut de s'extraire du défilé et de continuer sa marche sur le trottoir où la masse était moins dense. Il ne criait pas avec les autres.
La nuit était tombée, ajoutant à la tension. Au bout de quelques centaines de mètres le cortège ralentit soudain puis s'immobilisa. D'autres manifestants, qui les avaient précédés, formaient barrage. Derrière eux, rang après rang, la masse s'accumulait sur toute la largeur du boulevard. Se haussant sur la pointe des pieds, il aperçut, loin devant le barrage de police qui les bloquait. Sur plusieurs rangées les policiers faisaient face aux manifestants. On s'affrontait du regard, poitrine contre baudrier, aucun espace libre ne séparant les uns des autres. Il vit que les organisateurs de la manifestation tentaient de parlementer avec les commissaires. Les casques luisaient dans la lumière jaunâtre des lampadaires. Au harnachement, il crut reconnaître des gardes mobiles, mousqueton à l'épaule, cartouchière à la ceinture. Plusieurs rangées de véhicules en chicane en travers du boulevard, derrière les gardes faisaient office de point d'appui et constituaient un obstacle quasiment infranchissable. La foule continuait de se masser en un flot continu et, inconsciente de la présence policière, exerçait une pression de plus en plus forte sur les premiers rangs. Insensiblement, le barrage reculait. Ceux qui se trouvaient à son contact ne parlaient plus. Plus un cri, plus un slogan. Cet affrontement silencieux avait quelque chose d'impressionnant et d’angoissant qui laissait pressentir le drame imminent. Les gardes avaient saisi leur fusil à deux mains, par le canon et la crosse, et le tenaient horizontalement bras tendus devant eux pour tenter de freiner la progression de la foule grossie à chaque instant de centaines de nouveaux manifestants. Les rangées se pressaient les unes contre les autres, créant une marée où ondulaient banderoles et drapeaux. Ceux qui loin derrière ne pouvaient distinguer la tête du cortège continuaient leur poussée sans cesser de crier des mots d'ordre. "Paix-en-Algérie", "OAS-SS", "Le-fascisme-ne-passera-pas !"
Les policiers avaient reculé de plusieurs mètres. Sous la pression ils avaient du mal à maintenir l'ordre de leurs rangs et leurs lignes arrières se trouvaient maintenant acculées contre les camions sans retraite possible. Le barrage menaçait de céder. Officiers et inspecteurs manifestaient une évidente nervosité.
Au plus fort de la poussée un ordre retentit, incompréhensible et brutal. Une lumière bleue extrêmement violente émise par une batterie de projecteurs braqués sur le cortège aveugla tout le boulevard. Surprise, la foule hésita et relâcha sa pression et les premiers rangs tentèrent de refluer, trop tard. La charge aussitôt ordonnée, les gardes mobiles saisirent leur mousqueton par le canon et avancèrent, d'abord au pas puis en courant. Les manifestants les plus avancés, bloqués par ceux qui les suivaient furent dans l'impossibilité de reculer. La charge les faucha, les renversant les uns par dessus les autres. Les gens par dizaines, surpris s'effondraient sous les coups de crosses, le visage ensanglanté. Le bruit des chocs contre les crânes résonnait horriblement. Utilisé comme matraque le mousqueton occasionnait d'impressionnantes blessures. Systématiquement et méthodiquement pourchassés, acculés dans les portes cochères, hommes et femmes s'écroulaient au sol les mains maladroitement croisées sur la tête pour se protéger des coups. Beaucoup restaient à terre, blessés, au milieu de minces rigoles de sang.
La charge avait dégagé un large espace devant elle, ce qui avait permis au reste de la manifestation de se ressaisir et de refluer en meilleur ordre. Des trottoirs la foule conspuait la police. Après la première charge, une seconde, puis une autre, une autre encore, vague après vague. La tactique policière procédait d'un plan délibéré. L'ordre de charger la foule avait libéré une brutalité inouïe chez les policiers. Les manifestants isolés se retrouvaient rapidement encerclés et abattus à coups de mousquetons. La violence avait atteint un paroxysme. Le boulevard couvert de centaines de paires de chaussures, de lunettes broyées, d'écharpes et de vêtements offrait un étrange spectacle.
La foule pourtant n'abandonnait pas la rue. Fuyant les vagues policières elle se réfugiait dans les rues adjacentes, s'encoignait dans les entrées d'immeubles et revenait occuper le centre de la chaussée dès qu'elle se libérait. La police avait perdu le bénéfice de la surprise, elle frappait désormais dans un grand corps fluide qui se dérobait aux coups. Sa fureur s'en trouvait exaspérée.
Le quartier qui s'étend de la Bastille à la République possède une curieuse particularité. Sur presque toute leur longueur le boulevard Beaumarchais et le boulevard du Temple qui le prolonge vers la République, sont bordés en contrebas par la rue Hamel. La différence de niveau entre les voies a rendu nécessaire la construction d'escaliers d'accès en bordure de terrasses attenantes aux boulevards. Durant les charges, ces terrasses constituaient d'excellents refuges et la police trop occupée à faire le vide sur la chaussée les négligeait. A chaque vague, donc, elles s'emplissaient d'une foule compacte qui, une fois le calme rétabli, avant la charge suivante, s'en servait comme bases de départ pour reconquérir la rue.
On dut s'en apercevoir dans le commandement car à partir d'un certain moment les policiers s'efforcèrent de nettoyer également les terrasses. Ils avaient reçu le renfort de C.R.S. Ceux-ci, plus jeunes, mieux équipés que les gardes mobiles, se montraient beaucoup plus agressifs. Spécialement entraînés à la répression, ils montraient une redoutable efficacité et la foule parisienne ne les en haïssait que plus. Casqués, le visage couvert d'un masque destiné à les protéger des gaz lacrymogènes, revêtus d'une épaisse cape de cuir descendant presque aux chevilles, le bras prolongé d'une matraque de près de deux mètres, ils étaient quasiment invulnérables. C'était la nouvelle vague des répressifs, loin des policiers quadragénaires poussifs à la capeline plombée que l'imagerie populaire gardait encore en mémoire. Ceux-là, les nouveaux, c'était du sérieux, du féroce. Ils ne tardèrent pas à le démontrer.
Sous leur pression une centaine de manifestants se trouva à un moment refoulée sur l'une des terrasses. Celle-ci formait un rectangle dont le côté s'ouvrant sur le boulevard était barré par la police. Des immeubles bordaient les deux cotés perpendiculaires. Le quatrième coté, fermé par des rambardes métalliques surplombait la rue Hamel. L'escalier, au centre, constituait la seule échappatoire possible, bien trop étroite. La foule emplissait complètement l'espace disponible. Fuyant les coups elle se massait contre les rambardes. L'escalier ralentissait dramatiquement les échappées. Ceux qui avaient réussi à fuir s'étaient rassemblés dans la rue en contrebas, au pied de la terrasse. Il était parmi eux, calme désormais. La violence des affrontements avait paradoxalement dissipé son angoisse. La scène qui se déroula soudain sous ses yeux le laissa incrédule. En haut, la foule ne parvenait toujours pas à se dégager. La police s'acharnait. Quelques manifestants tassés entre les rambardes et le mur qui tentaient de s'échapper en longeant le trottoir se retrouvèrent plaqués contre la façade d'une boutique. Une boulangerie. Une nouvelle charge les balaya. La vitrine comprimée par des dizaines de dos explosa soudain. Un petit groupe, déséquilibré, fut projeté à l'intérieur, au milieu des croissants et des petits pains. Beaucoup, gravement atteints par les éclats de verre, ne se relevèrent pas. Les C.R.S. complètement déchaînés poursuivaient les malheureux, blessés ou valides et balançaient méthodiquement dans le vide ceux qu'ils parvenaient à acculer aux rambardes. Dans la rue en bas, la foule hurlait son indignation et se précipitait au pied des terrasses pour amortir les chutes. Un ouvrier en bleu de travail surgit soudain, monta les escaliers en courant et saisissant une pierre, qu'il avait dénichée on ne sait où, la lança sur les policiers en criant : "On vous paye, salauds !" Il n'eut que le temps de dévaler les marches en sens inverse pour éviter un matraquage sévère.
Le temps passait. La police tentait maintenant de dégager la rue Hamel, étroite et bordée de voitures des deux côtés. Sur le boulevard la foule ne cédait pas le terrain. Elle résistait. A la suite de chaque charge des cars de police sirènes hurlantes sillonnaient la rue et les trottoirs à toute vitesse, pourchassant les manifestants, tournoyant dans la foule. Au cours de l'une de ces chasses, l'un d'entre eux, imprudent, s'aventura trop loin des siens. La manifestation aussitôt se referma sur lui et l'engloutit. De loin on put le voir tanguer sous les assauts. Des manifestants par dizaines s'agrippèrent à ses portes, au grillage de ses fenêtres. Sa portière avant gauche soudain s'ouvrit et se déchira comme du papier. Les policiers s'échappèrent par l'arrière, à l'exception du conducteur qui fut extrait de sa cabine. Blême de peur, il brandit son arme de service pour tenter de se dégager mais fut rapidement désarmé. On n'aperçut plus que ses bras, un bref instant, s'agiter au-dessus des têtes, puis il fut comme englouti par la foule. Allaient-ils le lyncher ? Non, quelques instants plus tard, il réapparut, hirsute, dépenaillé, s'enfuyant sous les insultes.
La police tentait maintenant de dégager la rue Hamel, étroite et bordée de voitures en stationnement. Les charges ne pouvaient se déployer comme sur les boulevards. Chaque charge, comme le mascaret, balayait la chaussée chassant la foule devant elle, puis refluait à bout de course, aussitôt suivie par les manifestants.
Il prenait part à cet incessant et étrange ballet. Son père lui avait dit : "Ne cours jamais, les flics ne frappent que ceux qui fuient." A la première charge, il maîtrisa son envie de fuir et s'efforça de marcher le plus calmement possible décidé à vérifier la théorie paternelle. Au début tout alla bien, policiers et manifestants le dépassèrent en courant, les uns poursuivant les autres. Il se félicitait déjà de l'efficacité de la méthode lorsqu'un grand bruit de chute, accompagné d'une sensation de souffle derrière la tête, le fit se retourner. Un C.R.S. affalé en travers du capot d'une voiture agitait sa matraque dans sa direction. Il comprit que son salut n'était dû qu'à la maladresse du policier. Le léger souffle n'était rien d'autre que la matraque passant tout près de sa nuque. C'était clair, la théorie de son père possédait une faille. Toute la peur qu'il était parvenu à contenir se libéra soudain et le fit détaler à toutes jambes. Lorsqu'il arrêta sa course, essoufflé, il songea, souriant : " Il faudra que je raconte cela à Papa !"
Ils tinrent encore la rue une heure ou deux. La police en haut sur le boulevard, eux en bas dans les rues adjacentes. Puis il fut décidé de rentrer. Le peuple parisien avait amplement démontré sa détermination sans qu'il fût nécessaire de prolonger les affrontements. La consigne parcourut les rangs : "Dislocation ! ". Il se remémora la règle. Ne jamais traîner et se hâter de rentrer dans le calme. La dispersion d'une manifestation est toujours propice aux provocations policières. Un manifestant le dépassa : "Allez viens, petit, on rentre." Il se dirigea vers la place de la République suivant la foule. Peu à peu la circulation automobile se rétablissait.
Sur tout le trajet on pouvait observer la trace des affrontements, pancartes lacérées, paires de lunettes tordues, foulards, chaussures par centaines. Des infirmiers, le brassard marqué d'une croix rouge, s'affairaient autour des blessés, innombrables. Un homme, distingué, en costume strict, assis sur l'un des bancs du boulevard, la tête ensanglantée, se penchait en avant, écartant maladroitement la chemise de son cou. Passant tout près, il l'entendit murmurer au secouriste qui le pansait : "Je vous en prie, prenez garde à mon col de chemise."
La maison était grande ouverte. Dès l'entrée il fut frappé par l'atmosphère oppressante. La chienne, contrairement à son habitude, n'était même pas venue l'accueillir. Dans la salle de séjour, violemment éclairée, la télévision retransmettait des images de la manifestation. Sa mère lui tournait le dos. Elle ne l'avait pas entendu entrer. Lorsqu'il se pencha vers elle, il la vit, hébétée. Elle mit quelques secondes à s'extraire des images et dit simplement : "Il y a eu des morts."
La violence policière, il l'avait vue à l'?uvre, mais jamais il n'aurait imaginé qu'elle pût aboutir à des morts d'hommes. Cela lui paraissait anachronique. Brusquement, il comprit quelles angoisses avait dû vivre sa mère, seule à la maison tandis que son frère, lui et son père se trouvaient quelque part dans Paris, au milieu de la manifestation.
Les questions se bousculaient. "Combien ? ", "Ont-ils donné des noms ? ", "Et Papa et Claude où sont-ils ? " Le journal télévisé laissait filtrer les nouvelles par bribes. Au cours de la soirée, le chiffre de huit morts fut annoncé. Il y avait également de très nombreux blessés. Rien sur les circonstances. Tard dans la soirée, le ministre de l’intérieur, Roger Frey, vint donner la version officielle des faits. La haine au visage il accusa "les provocateurs communistes armés de gourdins qui s'en étaient pris à la police ! " Pauvre et tragique mensonge. On sut la vérité quelques heures plus tard, par des témoins et des journalistes. Au moment où un cortège se dispersait, à proximité du métro Charonne, la police qui barrait les issues chargea brutalement et sans préavis. Quelques élus, ceints de leur écharpe, qui s'étaient portés en avant pour parlementer furent violemment matraqués. La foule surprise s'enfuit en désordre. Quelques dizaines de manifestants coururent se réfugier dans la station de métro et se trouvèrent bloqués contre les portes fermées. Du trottoir, les policiers jetèrent sur eux grilles en fontes servant à protéger les arbres et lourdes tables de café avec l'évidente intention de tuer. Par la suite, le gouvernement dut promettre de punir les responsables. Mais il n'y eut jamais d'enquête véritable et aucun coupable ne fut jamais découvert et a fortiori puni. On apprit simplement que la section de policiers incriminée était complètement infiltrée par l'OAS, ce qui n'était pas rare à l'époque. Des témoins racontèrent que juste avant la charge les policiers avaient scandé avec leurs pieds le slogan "Algérie française !". Trois coups rapides, deux coups longs.
Claude rentra enfin. Il ne savait rien. A la nouvelle, il s'assit et posa la même question : "Et Papa ? ".
Il fallait attendre. A minuit, sonnerie du téléphone. On se rue. La mère est la première. "Où es-tu ? " A l'autre bout, la voix est joyeuse. "Je suis aux Halles. On se bat. Je suis coincé dans la cabine téléphonique. Il y a des flics partout ! " On n'eut pas le coeur à lui expliquer. Il ne savait rien. Il se battait contre la police et pour lui, c'était ce qui comptait le plus. "Rentre, Geo ! ".
On avait éteint, puis rallumé la télévision., avides de nouvelles. On voulait comprendre. Les camarades, nombreux avaient appelé. Il fallait faire quelque chose. Mais quoi ?
Le père, lorsqu'il arriva, était tout excité, les yeux brillants, un peu essoufflé et inconscient du drame. "Qu'est-ce qu'on s'est battus ! ". Il avait toujours eu des barricades dans la tête. A le regarder narrer la "bataille des Halles", sans leur laisser le temps de placer un mot, ils voyaient défiler dans ses yeux tous ses rêves. La Commune, 1848, 36, Gavroche, Octobre..
"Papa, il y a eu huit morts. " Il s'arrêta net. On devinait que d'autres images remplaçaient les premières. Ce n'était plus les Trois Glorieuses, c'était la Ricamarie. Ainsi, ils pouvaient encore tuer ? La colère succéda à l'accablement. Une nouvelle colère.
Le lendemain, la France frappée de stupeur, s'immobilisa deux heures pour la mémoire des siens et, cinq jours plus tard, Paris quadrillé par une police invisible, portait, silencieux et innombrable, ses morts au Père Lachaise.
G. Chouteau 1995

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