La mise en concurrence des concessions des installations et barrages
hydrauliques :
un nouveau coup de force du gouvernement Macron
Le gouvernement en marche forcée vers la privatisation
des concessions hydrauliques
La loi de transition énergétique d’août 2015 a confirmé le principe de la mise en concurrence des concessions hydrauliques exigée par l’UE. Jusqu’à maintenant, cette
disposition qui est la négation du service public français de la production hydroélectrique
et soulève des oppositions de tous côtés n’a pas été appliquée. Le gouvernement veut
la mettre rapidement en place. Contrairement à ce qu’il affirme, cela n’a rien d’obligatoire,
ni d’urgent. La Commission européenne n’a fixé aucun calendrier. Il n’y a donc
aucune obligation à devancer des exigences que certains pays européens, tels
l’Allemagne, l’Autriche et le Portugal, ont refusé d’appliquer.
La France est le deuxième pays d’Europe, après la Norvège par le nombre de barrages qu’elle possède et par le volume de sa production d’électricité d’origine hydraulique. L’hydraulique constitue la seule source d’énergie renouvelable, pilotable à tout
instant et non intermittente. En outre, les installations hydrauliques réversibles, dites STEP
(Station de transfert d’énergie par pompage), représentent actuellement l’unique outil de
stockage de l’électricité produite par l’éolien et le solaire qui constituent des sources intermittentes d’énergie et donc non pilotables.
On mesure donc l’importance stratégique du réseau hydraulique français pour la réussite de la transition énergétique et dans la lutte contre le dérèglement climatique. Outre la production électrique, ce réseau d’ouvrages hydrauliques joue un rôle primordial dans l’approvisionnement en eau, l’irrigation, la régulation des cours d’eau voire le tourisme (aménagements de plans d’eau).
La loi de 1919, toujours en vigueur, stipule qu’en France, l’eau appartient à l’État : « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État ».
Les installations de moins de 4,5 mégawatts
(équivalente à 4 500 petits radiateurs) sont sous le régime de l’autorisation. Tous les grands barrages sont sous le régime de la concession : l’État concède l’usage des installations et les concessionnaires encaissent les revenus.
En 1946, la nationalisation du secteur hydraulique a permis à la France d’assurer un accès de tous les citoyens à l’électricité quel que soit leur lieu de résidence par la mise en œuvre d’une politique planifiée d’aménagement du territoire. Elle a permis également le développement de ce secteur économique et la satisfaction des besoins croissants en énergie par l’équipement d’un grand nombre de sites hydrauliques. Cette politique garantit
en outre une tarification identique pour toutes et tous, à travers la "péréquation" et les "tarifs réglementés", quelle que soit la distance par rapport au lieu de production.
Le statut des agents EDF, créé à cette date, est l’un de ceux qui a apporté d’importantes avancées sociales dont bien d’autres professions ont bénéficié par la suite. Au fil du temps, les forces libérales à l’œuvre au niveau européen et avec l’aide active des gouvernements
français, n’eurent de cesse de remettre en cause les acquis de la Libération et le service public : fin du monopole d’EDF (2000), éclatement d’EDF en de nombreuses sociétés, transformation du groupe en société anonyme (2004), multiplication des externalisations de services confiés à des entreprises privées, abandon de la clause de préférence en faveur d’EDF lors du renouvellement des concessions (loi Borloo 2006 et décret 2008). Et la Commission européenne prétend interdire à EDF de postuler pour l’obtention de ces concessions ! Le coup de force actuel apparaît donc comme l’acte ultime du démantèlement programmé de ce service public !
Si l’ouverture à la concurrence des concessions prenait effet, ce serait un secteur clé de notre économie qui échapperait à la souveraineté de notre pays. L’attribution des concessions aux candidats ne se ferait pas selon des critères de cohérence de la
production et des besoins en eau, c’est à dire par vallée, mais en fonction d’un prétendu équilibre financier entre les concessionnaires privés qui sont à l’affût depuis quelques années. Car la « rente hydroélectrique » est d’au moins 1,25 milliard d’euros par an et l’électricité produite par les barrages est de loin la moins coûteuse : de 20 à 30 euros le
mégawatt-heure. C’est ainsi que le barrage du Monteynard pourrait être séparé des autres ouvrages de la vallée du Drac !
Les échanges d’électricité avec nos voisins (exportations, importations) sont possibles par
l’interconnexion des réseaux à l’échelle européenne. Ils sont régis essentiellement par les impératifs du marché de l’électricité, sur lequel le prix du kilowattheure peut fluctuer dans des proportions considérables d’une heure à l’autre, selon les besoins de consommation. Si les concessions hydrauliques tombaient dans les mains du privé, la souplesse exceptionnelle de la ressource serait mise au service de la maximisation du profit sur le marché ouest-européen de l’énergie. La sécurité de l’approvisionnement s’en trouverait fortement compromise. Et tout le système de régulation des prix serait abandonné...
les tarifs exploseraient.
Un collectif de défense des barrages (collectifdefensebarrages@laposte.net) s'est créé dès 2011. Il a publié une pétition* qui a reçu plus de 5000 signatures
Il s’associe pleinement à l’initiative du dimanche 8 avril 2018...... où une chaîne humaine se
formera au barrage du Sautet (Isère) pour s’opposer au bradage du patrimoine hydraulique de notre pays.
Rendez-vous sur le barrage à 12h30 ou à 10h15, place de la gare de Grenoble
pour un départ en covoiturage.
(*) https://www.petitions24.net/contre_louverture_a_la_concurrence_des_ouvrages_hydroelectriques
Barrage du Sautet