mardi 27 mars 2018

Pour une hydroélectricité publique !


La mise en concurrence des concessions des installations et barrages
hydrauliques :
un nouveau coup de force du gouvernement Macron
Le gouvernement en marche forcée vers la privatisation
des concessions hydrauliques

La loi de transition énergétique d’août 2015 a confirmé le principe de la mise en concurrence des concessions hydrauliques exigée par l’UE. Jusqu’à maintenant, cette
disposition qui est la négation du service public français de la production hydroélectrique
et soulève des oppositions de tous côtés n’a pas été appliquée. Le gouvernement veut
la mettre rapidement en place. Contrairement à ce qu’il affirme, cela n’a rien d’obligatoire,
ni d’urgent. La Commission européenne n’a fixé aucun calendrier. Il n’y a donc
aucune obligation à devancer des exigences que certains pays européens, tels
l’Allemagne, l’Autriche et le Portugal, ont refusé d’appliquer.

La France est le deuxième pays d’Europe, après la Norvège par le nombre de barrages qu’elle possède et par le volume de sa production d’électricité d’origine hydraulique. L’hydraulique constitue la seule source d’énergie renouvelable, pilotable à tout
instant et non intermittente. En outre, les installations hydrauliques réversibles, dites STEP
(Station de transfert d’énergie par pompage), représentent actuellement l’unique outil de
stockage de l’électricité produite par l’éolien et le solaire qui constituent des sources intermittentes d’énergie et donc non pilotables.

On mesure donc l’importance stratégique du réseau hydraulique français pour la réussite de la transition énergétique et dans la lutte contre le dérèglement climatique. Outre la production électrique, ce réseau d’ouvrages hydrauliques joue un rôle primordial dans l’approvisionnement en eau, l’irrigation, la régulation des cours d’eau voire le tourisme (aménagements de plans d’eau).

La loi de 1919, toujours en vigueur, stipule qu’en France, l’eau appartient à l’État : « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État ».
Les installations de moins de 4,5 mégawatts
(équivalente à 4 500 petits radiateurs) sont sous le régime de l’autorisation. Tous les grands barrages sont sous le régime de la concession : l’État concède l’usage des installations et les concessionnaires encaissent les revenus.

En 1946, la nationalisation du secteur hydraulique a permis à la France d’assurer un accès de tous les citoyens à l’électricité quel que soit leur lieu de résidence par la mise en œuvre d’une politique planifiée d’aménagement du territoire. Elle a permis également le développement de ce secteur économique et la satisfaction des besoins croissants en énergie par l’équipement d’un grand nombre de sites hydrauliques. Cette politique garantit
en outre une tarification identique pour toutes et tous, à travers la "péréquation" et les "tarifs réglementés", quelle que soit la distance par rapport au lieu de production.

Le statut des agents EDF, créé à cette date, est l’un de ceux qui a apporté d’importantes avancées sociales dont bien d’autres professions ont bénéficié par la suite. Au fil du temps, les forces libérales à l’œuvre au niveau européen et avec l’aide active des gouvernements
français, n’eurent de cesse de remettre en cause les acquis de la Libération et le service public : fin du monopole d’EDF (2000), éclatement d’EDF en de nombreuses sociétés, transformation du groupe en société anonyme (2004), multiplication des externalisations de services confiés à des entreprises privées, abandon de la clause de préférence en faveur d’EDF lors du renouvellement des concessions (loi Borloo 2006 et décret 2008). Et la Commission européenne prétend interdire à EDF de postuler pour l’obtention de ces concessions !  Le coup de force actuel apparaît donc comme l’acte ultime du démantèlement programmé de ce service public !

Si l’ouverture à la concurrence des concessions prenait effet, ce serait un secteur clé de notre économie qui échapperait à la souveraineté de notre pays. L’attribution des concessions aux candidats ne se ferait pas selon des critères de cohérence de la
production et des besoins en eau, c’est à dire par vallée, mais en fonction d’un prétendu équilibre financier entre les concessionnaires privés qui sont à l’affût depuis quelques années. Car la « rente hydroélectrique » est d’au moins 1,25 milliard d’euros par an et l’électricité produite par les barrages est de loin la moins coûteuse : de 20 à 30 euros le
mégawatt-heure. C’est ainsi que le barrage du Monteynard pourrait être séparé des autres ouvrages de la vallée du Drac !
Les échanges d’électricité avec nos voisins (exportations, importations) sont possibles par
l’interconnexion des réseaux à l’échelle européenne. Ils sont régis essentiellement par les impératifs du marché de l’électricité, sur lequel le prix du kilowattheure peut fluctuer dans des proportions considérables d’une heure à l’autre, selon les besoins de consommation. Si les concessions hydrauliques tombaient dans les mains du privé, la souplesse exceptionnelle de la ressource serait mise au service de la maximisation du profit sur le marché ouest-européen de l’énergie. La sécurité de l’approvisionnement s’en trouverait fortement compromise. Et tout le système de régulation des prix serait abandonné...
les tarifs exploseraient.

Un collectif de défense des barrages (collectifdefensebarrages@laposte.net) s'est créé dès 2011. Il a publié une pétition* qui a reçu plus de 5000 signatures



Il s’associe pleinement à l’initiative du dimanche 8 avril 2018...... où une chaîne humaine se
formera au barrage du Sautet (Isère) pour s’opposer au bradage du patrimoine hydraulique de notre pays.
Rendez-vous sur le barrage à 12h30 ou à 10h15, place de la gare de Grenoble
pour un départ en covoiturage.


(*) https://www.petitions24.net/contre_louverture_a_la_concurrence_des_ouvrages_hydroelectriques
Barrage du Sautet

mardi 17 janvier 2017

La supraconductivité ? Un phénomène complexe, mais cependant compréhensible.

La supraconductivité ?
Un phénomène complexe, mais cependant compréhensible.

Chapitre 1

  1. Commençons par la fin


Regardons cette image. 
 



Par Mai-Linh Doan — self photo, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2911413

Que montre-t-elle ?

Une pastille noire, immergée dans un liquide fumant, de l'azote à – 196 °C, au-dessus de laquelle un petit cylindre noir, en fait un aimant, semble flotter. Il est en lévitation. Il est repoussé par la pastille noire et se met en équilibre à une certaine hauteur quand la force de répulsion « magnétique » produite par la pastille, équilibre son poids.

La vidéo suivante : https://www.youtube.com/watch?v=bCx_6tsUS8g, montre encore bien des effets inattendus.

Tout semble indiquer à première vue que le supraconducteur (c'est la pastille noire immergée, et nous verrons dans la suite pourquoi elle porte ce qualificatif), se comporte comme un aimant.
Il est d'ailleurs possible de monter une expérience simple apparemment analogue avec des aimants commerciaux, disposés comme le montre la photo suivante (source Wikipédia).





Les pastilles de couleur, ainsi que le socle du dispositif sont des aimants. Ils sont disposés de façon qu'un pôle Nord fasse face à un pôle Nord et qu'un pôle Sud fasse face à un pôle Sud de sorte que tous les aimants se repoussent et lévitent. Contrairement au dispositif monté avec un supraconducteur, ce système n'est pas stable latéralement et il faut bloquer les aimants à l'aide de la tige centrale pour éviter qu'ils ne soient éjectés.

Ce n'est pas le cas avec une pastille supraconductrice ? Regardez la vidéo suivante. http://www.dailymotion.com/video/x70hr4_deux-hoolahoops-supraconducteurs_tech

Lorsqu'on retourne l'aimant, la pastille supraconductrice se trouve au-dessous de lui, mais elle ne tombe pas ! Au contraire, elle semble « accrochée » à l'aimant.
Cette expérience montre donc que le terme de « lévitation » employé pour la décrire est impropre. Elle montre surtout qu'un matériau supraconducteur n'est pas un aimant puisqu'il n'est pas nécessaire de prévoir un dispositif de stabilisation mécanique pour qu'il reste en position.
Le système est stable : si on tente d'écarter la pastille de sa position initiale, elle tend à y revenir.

Quelle est donc l'explication de ces phénomènes inattendus ?
Il faut lire la suite pour le savoir.


  1. Cette fois-ci, commençons par le commencement.

C'est un longue histoire, commencée au cours de la deuxième moitié du 19 e siècle, à une époque où la physique était encore classique, mais plus pour longtemps !

A cette époque deux sujets importants préoccupaient les physiciens : le comportement des gaz réels et le comportement de la résistance électrique des métaux aux basses températures.

a. Occupons nous des gaz.

On disposait d'un seul modèle, celui de Boyle-Mariotte ou modèle du gaz parfait, qui considérait les gaz comme un ensemble de particules indépendantes, sans interactions et indiscernables, animées de mouvements erratiques dans toutes les directions, à cause de l'agitation thermique. Les chocs qu'elles subissent entre elles ou contre la paroi du récipient, sont élastiques, c'est à dire sans perte d'énergie. Un tel modèle décrit bien les gaz réels aux faibles pressions et à haute température. On remarquera que dans ce modèle, tous les gaz sont identiques. Il convient donc de parler DU gaz parfait, et non DES gaz parfaits.

L'équation d'état du gaz parfait :

PV = nRT

P est la pression, V le volume, n le nombre de particules et R une constante universelle dite constante du gaz parfait, est fondatrice de la thermodynamique car elle définit l'échelle des températures absolues .

Mais un gaz parfait ne se liquéfie qu'à T=0, ce qui est manifestement contraire à l'expérience, car tous les gaz réels se liquéfient et se solidifient à des températures bien définies, différentes du zéro absolu.
En 1873, un physicien néerlandais, van der Waals tenta une approche plus réaliste et proposa une équation d'état dans laquelle on tient compte d'un interaction attractive, a, entre particules et d'un volume b, dit covolume, qui est le volume minimal qu'une particule peut occuper.

(P+ a/V 2).(V-b) = nRT

Cette équation d'état n'est plus universelle, car les paramètres a et b sont caractéristiques du gaz étudié. Elle a cependant l'avantage de donner une approche du palier de liquéfaction. Elle permet en outre, d'expliquer pourquoi il est nécessaire de refroidir un gaz en dessous d'une température dite d'inversion, lors d'une détente sans travail extérieur pour obtenir du liquide (ce point sera étudié plus tard).

Dès le dix-huitième siècle, on tenta de liquéfier et de solidifier tous les gaz connus.

Le tableau suivant, construit à partir des données contenues dans le rapport à l'Académie des Sciences de Paris lu par Emile Picard en 1939, donne un aperçu de ces tentatives.

Gaz Date Température (°C) Auteur Méthode
Dioxyde de soufre 18e siècle -8 Monge Refrigérant
Ammoniac 18e siècle -34 Guyton de Morveau Refrigérant
Chlore, cyanogène, acide sulfhydrique 1824 -34; -21 ;-100 Davy, Faraday Refrigérant
Dioxyde de carbone 1834 20 °C, 1000 atmosphères Thilorier Compression
Ethylène, acide sulhydrique 1845 -104 ; -100 Faraday Refrigérant et compression
Ammoniac 1867 -34 Tellier Compression
Monoxyde de carbone, oxygène, air, azote 1877 -191,5 ; -183, -196 ; -196 Cailletet Compression et détente
Air 1877 -196 Pictet Réfrigérant et compression
Air 1883 -196 Wroblewski, Olczewski Compression et détente
Hydrogène 1896 -253 Dewar Compression et détente
Hélium 1908 -269 Kamerlingh Onnès Compression et détente






On constatera qu'il s'agit d'une course vers les très basses températures. 
En 1908, avec les travaux de Kamerlingh Onnès sur la liquéfaction de l'hélium, la découverte de la supraconductivité se profile à l'horizon. Mais pour en savoir plus, il vous faudra attendre le chapitre 2 !









La supraconductivité suite 1

b. Maintenant , occupons nous des métaux.

Plus exactement, occupons nous de l'évolution de leur résistivité électrique avec la température.
Expérimentalement, on observe que la résistivité des métaux décroît avec la température. Cependant, aux très basses températures, très inférieures à la température ambiante, on observe un palier, appelé résistivité résiduelle ou plus simplement, résiduelle, d'autant plus faible que le métal est plus pur. Elle dépend aussi de sa structure microscopique, c'est à dire de la concentration de défauts. Ainsi, le cuivre écroui, qui contient beaucoup de défauts, présente une résistivité résiduelle beaucoup plus élevée que le cuivre recuit.
La question qui se posait était : que devient la résistivité d'un métal pur à T = 0 ?
Deux théories s'affrontaient ? Pour les uns, les plus nombreux, la résistivité devait s'annuler à T=0. Pour d'autres, dont Lord Kelvin (William Thompson), elle devait, au contraire devenir infinie.
 (source : document EPFL)

Pour trancher, il fallait disposer de très basses températures et de métaux très purs. Notons que par « métal pur », il faut entendre une pureté de 99,999 %, dite 5N, obtenue seulement par des moyens industriels. Avec le mercure, liquide à la température ordinaire, on peut même gagner deux ordres de grandeur par simple distillation et obtenir une pureté de 99,99999 %, (7N).
C'est ce métal que Kamerlingh Onnes décida d'étudier, en mesurant sa résistivité dans l'hélium liquide, à 4,2 K.

ET CE FUT LE COUP DE TONNERRE DE 1911.

Voici la courbe de résistance publiée par H. Kamerlingh Onnes pour le mercure (Comm. Phys. Lab. Univ. Leiden, 124c, 1911)



Elle présente un phénomène extraordinaire et totalement nouveau : à 4,2 K, la résistance chute brutalement et devient si faible qu'il est impossible de la mesurer.



H. Kamerlingh Onnes et G. Holst venaient de découvrir la supraconductivité. Noter le commentaire des auteurs, qui est un modèle d'honnêteté scientifique :

« A 4,3 K la résistance du mercure est tombée à 0,084 ohm c’est à dire 0,0021 fois sa valeur à 0°C. A 3K on a trouvé que cette résistance était inférieure à 3.10-6 ohm….limite supérieure jusqu’à 1,5K. »

Ils n'écrivent pas que la résistance est nulle au-dessous de 4,2 K. Pourquoi cette prudence ?
C'est que le phénomène mesuré est absolument inattendu et inexpliqué et même incompréhensible. La supraconductivité est un phénomène quantique macroscopique, mais en 1908, elle la mécanique quantique n'a que trois ans et bien peu de physiciens la maîtrisent. Bien que H. Kamerlingh Onnes ait sollicité, sans grand succès, Einstein sur le sujet, il faudra attendre 1957 pour qu'une théorie microscopique complète voie le jour, celle de J. Bardeen, L. N. Cooper et J. R. Schrieffer (J. Bardeen, L. N. Cooper, and J. R. Schrieffer, Phys. Rev. 108, 1175–1204 (1957)).

Cette découverte est-elle le fruit du hasard ? Evidemment, non. Il suffit de lire ce qui précède pour s'en convaincre. Elle résulte de la conjonction de recherches bien précises sur les très basses températures et sur les propriétés électriques des métaux. C'est un bel exemple de sérenpidité. (La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d'un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d'une recherche concernant un autre sujet, c'est une découverte faite par le concours du hasard mais aussi de la sagacité, Wikipédia). 

G. Holst
Kamerlingh Onnes



lundi 16 janvier 2017

La supraconductivité suite 2

c. L'histoire s'accélère.


Après sa première découverte, Kamerlingh Onnes chercha à savoir si d'autres métaux présentaient la même propriété. On découvrit rapidement que les métaux à bas point de fusion, comme l'indium, l'étain et le plomb étaient supraconducteurs.
Au fur et à mesure des expériences on s'aperçut que le phénomène de supraconductivité, loin d'être rare était au contraire très fréquent, aussi surprenant que cela puisse paraître.

C'est ce qui apparaît sur le tableau de Mendéléev ci-dessus. Les éléments supraconducteurs sont en rose. Les éléments en violet sont supraconducteurs sous pression.
On remarquera que ceux d'entre eux qui portent un moment magnétique ne sont pas supraconducteurs. La théorie BCS, mentionnée plus haut permet d'expliquer ce phénomène.

On connaît aujourd'hui des milliers de matériaux supraconducteurs, outre les éléments simples du tableau de Mendéléev. Ce sont des alliages, des composés métalliques ou organiques. Ceux qui détiennent à l'heure actuelle le record de température critique sont des oxydes découverts en 1985.

(La température TC critique est la température au-dessous de laquelle la supraconductivité apparaît).



      1. Où la supraconductivité révèle ses extraordinaires potentialités.

Examinons l'expérience suivante :


 


Phase 1 : on plonge un anneau de plomb (en bleu) dans un réservoir contenant de l'hélium liquide à 4,2 K. La température critique du plomb vaut 7,19K. Il est donc supraconducteur.

Phase 2 : par un procédé qui ne sera pas décrit ici, on chauffe un portion de l'anneau au-dessus de 7,19K (partie rouge). On branche ensuite une source de courant externe sur l'anneau comme l'indique le figure. La partie bleue a une résistance électrique nulle. C'est donc elle, et non la portion rouge, résistive,  que le courant va traverser.

Phase 3 : on coupe le chauffage de la partie rouge qui redevient supraconductrice et possède donc une résistance nulle. Le courant est alors « piégé » dans l'anneau. On peut alors enlever la source.
Comme l'anneau a maintenant une résistance nulle, le courant y circule sans dissipation de chaleur, donc indéfiniment !
Ce n'est pas une expérience de science fiction, mais une expérience bien réelle. Elle est utilisée tous les jours pour les diagnostics d'imagerie médicale par IRM, dans lesquels les patients sont placés au centre d'un aimant supraconducteur en court-circuit .