La
supraconductivité ?
Un
phénomène complexe, mais cependant compréhensible.
Chapitre
1
- Commençons par la fin
Regardons
cette image.
Par
Mai-Linh Doan — self photo, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2911413
Que
montre-t-elle ?
Une
pastille noire, immergée dans un liquide fumant, de l'azote à –
196 °C, au-dessus de laquelle un petit cylindre noir, en fait un
aimant, semble flotter. Il est en lévitation. Il est repoussé par
la pastille noire et se met en équilibre à une certaine hauteur
quand la force de répulsion « magnétique » produite par
la pastille, équilibre son poids.
La
vidéo suivante : https://www.youtube.com/watch?v=bCx_6tsUS8g,
montre encore bien des effets inattendus.
Tout
semble indiquer à première vue que le supraconducteur (c'est la
pastille noire immergée, et nous verrons dans la suite pourquoi elle
porte ce qualificatif), se comporte comme un aimant.
Il
est d'ailleurs possible de monter une expérience simple apparemment
analogue avec des aimants commerciaux, disposés comme le montre la
photo suivante (source Wikipédia).
Les
pastilles de couleur, ainsi que le socle du dispositif sont des
aimants. Ils sont disposés de façon qu'un pôle Nord fasse face à
un pôle Nord et qu'un pôle Sud fasse face à un pôle Sud de sorte
que tous les aimants se repoussent et lévitent. Contrairement au
dispositif monté avec un supraconducteur, ce système n'est pas
stable latéralement et il faut bloquer les aimants à l'aide de la
tige centrale pour éviter qu'ils ne soient éjectés.
Ce
n'est pas le cas avec une pastille supraconductrice ? Regardez
la vidéo suivante.
http://www.dailymotion.com/video/x70hr4_deux-hoolahoops-supraconducteurs_tech
Lorsqu'on
retourne l'aimant, la pastille supraconductrice se trouve au-dessous
de lui, mais elle ne tombe pas ! Au contraire, elle semble
« accrochée » à l'aimant.
Cette
expérience montre donc que le terme de « lévitation »
employé pour la décrire est impropre. Elle
montre surtout qu'un matériau supraconducteur n'est pas un aimant
puisqu'il n'est pas nécessaire de prévoir un dispositif de
stabilisation mécanique pour qu'il reste en position.
Le
système est stable : si on tente d'écarter la pastille de sa
position initiale, elle tend à y revenir.
Quelle
est donc l'explication de ces phénomènes inattendus ?
Il
faut lire la suite pour le savoir.
- Cette fois-ci, commençons par le commencement.
C'est
un longue histoire, commencée au cours de la deuxième moitié du 19
e siècle, à une époque où la physique était encore classique,
mais plus pour longtemps !
A
cette époque deux sujets importants préoccupaient les physiciens :
le comportement des gaz réels et le comportement de la résistance
électrique des métaux aux basses températures.
a.
Occupons nous des gaz.
On
disposait d'un seul modèle, celui de Boyle-Mariotte ou modèle du
gaz parfait, qui considérait les gaz comme un ensemble de particules
indépendantes, sans interactions et indiscernables, animées de
mouvements erratiques dans toutes les directions, à cause de
l'agitation thermique. Les chocs qu'elles subissent entre elles ou
contre la paroi du récipient, sont élastiques, c'est à dire sans
perte d'énergie. Un tel modèle décrit bien les gaz réels aux
faibles pressions et à haute température. On remarquera que dans ce
modèle, tous les gaz sont identiques. Il convient donc de parler DU
gaz parfait, et non DES gaz parfaits.
L'équation
d'état du gaz parfait :
PV
= nRT
où
P est
la pression, V
le volume, n
le nombre de particules et R
une constante universelle dite constante du gaz parfait,
est
fondatrice de la thermodynamique car elle définit l'échelle des
températures absolues .
Mais
un gaz parfait ne se liquéfie qu'à T=0,
ce qui est manifestement contraire à l'expérience, car tous les gaz
réels se liquéfient et se solidifient à des températures bien
définies, différentes du zéro absolu.
En
1873, un physicien néerlandais, van der Waals tenta une approche
plus réaliste et proposa une équation d'état dans laquelle on
tient compte d'un interaction attractive, a,
entre particules et d'un volume b,
dit covolume, qui est le volume minimal qu'une particule peut
occuper.
(P+
a/V 2).(V-b)
= nRT
Cette
équation d'état n'est plus universelle, car les paramètres a
et b
sont caractéristiques du gaz étudié. Elle a cependant l'avantage
de donner une approche du palier de liquéfaction. Elle permet en
outre, d'expliquer pourquoi il est nécessaire de refroidir un gaz en
dessous d'une température dite d'inversion, lors d'une détente sans
travail extérieur pour obtenir du liquide (ce point sera étudié
plus tard).
Dès
le dix-huitième siècle, on tenta de liquéfier et de solidifier
tous les gaz connus.
Le
tableau suivant, construit à partir des données contenues dans le
rapport à l'Académie des Sciences de Paris lu par Emile Picard en
1939, donne un aperçu de ces tentatives.
Gaz | Date | Température (°C) | Auteur | Méthode |
Dioxyde de soufre | 18e siècle | -8 | Monge | Refrigérant |
Ammoniac | 18e siècle | -34 | Guyton de Morveau | Refrigérant |
Chlore, cyanogène, acide sulfhydrique | 1824 | -34; -21 ;-100 | Davy, Faraday | Refrigérant |
Dioxyde de carbone | 1834 | 20 °C, 1000 atmosphères | Thilorier | Compression |
Ethylène, acide sulhydrique | 1845 | -104 ; -100 | Faraday | Refrigérant et compression |
Ammoniac | 1867 | -34 | Tellier | Compression |
Monoxyde de carbone, oxygène, air, azote | 1877 | -191,5 ; -183, -196 ; -196 | Cailletet | Compression et détente |
Air | 1877 | -196 | Pictet | Réfrigérant et compression |
Air | 1883 | -196 | Wroblewski, Olczewski | Compression et détente |
Hydrogène | 1896 | -253 | Dewar | Compression et détente |
Hélium | 1908 | -269 | Kamerlingh Onnès | Compression et détente |
On
constatera qu'il s'agit d'une course vers les très basses
températures.
En 1908, avec les travaux de Kamerlingh Onnès sur la
liquéfaction de l'hélium, la découverte de la supraconductivité
se profile à l'horizon. Mais pour en savoir plus, il vous faudra
attendre le chapitre 2 !