k. Applications et perspectives.
Il existe à ce jour plus de dix-mille composés supraconducteurs. Ce sont des métaux, des composés intermétalliques, des oxydes et même des composés organiques.
Les supraconducteurs en rouge sur les trois dernières lignes du tableau sont des oxydes céramiques, supraconducteurs à "haute température" découverts en 1987, par Bednorz et Müller. Ils ne sont pas décrits par la théorie BCS. Il semble que dans ces matériaux le mécanisme de formation des paires soit d'origine magnétique.
Note importante : la supraconductivité est une condensation de Bose. Il faut donc que les porteurs de charge soient des bosons, donc des paires d'électrons ou de quasi-particules positives, appelées "trous", quel que soit le mécanisme d'appariement.
Pour les applications, on jouera sur trois grandeurs : le température critique, le champ critique et le courant critique.
Quelles sont les contraintes ?
Actuellement, Tc max = 90 K avec les oxydes. Il faut donc refroidir les dispositifs à des températures cryogéniques. On utilise l'hélium liquide (T = 4 K) comme réfrigérant.
Le champ critique n'est pas une contrainte très forte pour les applications courantes.
La densité de courant critique n'est pas une grandeur intrinsèque. On peut la modifier par des traitement métallurgiques appropriés. L'objectif est de faire mieux que le cuivre : environ 10 A /mm2.
Voyons quelques exemples :
Les dispositifs supraconducteurs ne consomment pas d'énergie, puisque la résistance électrique des câbles est nulle. Ils sont donc beaucoup plus compacts, économiques et ...silencieux que les dispositifs qui utiliseraient des conducteurs en cuivre.
Les aimants supraconducteurs : on atteint des champs supérieurs à 13 teslas, avec des câbles en Nb3Sn.
Les appareils d'imagerie par Résonance Magnétique (IRM), utilisés en médecine fonctionnent grâce à un aimant supraconducteur en court-circuit (voir le chapitre supraconductivité suite 2), refroidi à l'hélium liquide (4K ou 1,8K).
Les accélérateurs de particules : le LHC (Large Hadron Collider) de Genève comporte des centaines d'aimants supraconducteurs refroidis à 1,8 K, sur une circonférence de 27 km. Un tel instrument serait irréalisable sans matériaux supraconducteurs.
Le tokamak ITER, pour la fusion, comportera des aimants supraconducteurs pour le confinement du plasma.(100 000 km de câbles pour une masse totale de 400 tonnes).
Le tri industriel (séparation des matériaux magnétiques des matériaux non magnétiques).
Le transport de courant : 15 à 25 % de l'énergie électrique sont perdus dans les lignes de transport de courant. Cela représente 10 à 15 centrales nucléaires ! C'est le rêve de tout producteur d'électricité de disposer de lignes sans perte ! Malheureusement, dans l'état actuel des recherches, on ne sait pas produire de câbles supraconducteurs sur de très grandes longueurs et de plus, il est nécessaire de les refroidir à des températures très basses, ce qui rend leur coût prohibitif.
Photo : Wikipédia
Un appareil IRM. Le gros cylindre contient l'aimant supraconducteur.
Quelques autres applications :
Les machines tournantes (moteurs ou alternateurs). Cela marche. Ces machines sont plus compactes, à puissance égale, que les machines classiques, mais il y a, là aussi, le problème de la cryogénie.
Le stockage de l'énergie dans des bobines.
Les limiteurs de courant.
Les dispositifs à jonctions Josephson (SQUID, pour Superconducting QUantum Interference Device), dont la description complexe dépasse le cadre de cet exposé.
Une application qui fait beaucoup parler :
C'est celle que l'on montre dans toutes les manifestations de vulgarisation scientifique : la lévitation.
On utilise le fait qu'un supraconducteur expulse le champ magnétique, comme on l'a expliqué précédemment. Mais on utilise aussi le fait que dans un supraconducteur de type II, le réseau de vortex est ancré sur des défauts et "refuse" de bouger si bien que si on déplace le matériau dans un champ magnétique il revient à sa position initiale. Dans ce cas le système est stable, alors qu'il est instable avec un supraconducteur de type I, qui n'a pas de vortex. Dans le cas, il vaut mieux parler de sustentation,car on peut aussi bien soulever le matériau que le suspendre. Il peut trouver de nombreuses vidéos sur le sujet sur l'Internet. cela marche. Il existe des train au Japon et en Chine qui fonctionnent sur ce principe. L'avantage est que l'on évite le frottement des roues sur les rails.
Les rails, en fait des électro-aimants, produisent un champ magnétique dont les lignes de champ (en noir), sont "repoussées" par les bobines supraconductrices en court-circuit situées dans le train, (en vert). Elles ne produisent aucun champ.
La déformation des lignes de champ crée une force dirigée vers le haut qui soulève le train.
A noter que si l'on change alternativement le sens du courant dans les rails, on crée une force supplémentaire horizontale qui permet de faire avancer le train. Le système sert donc à la fois à la sustentation et à la locomotion, ce qui est un avantage supplémentaire par rapport aux trains classiques. Inutile d'installer un moteur dans le train !
Quelques résultats récents :
Dans la décennie 60-70,découverte de la supraconductivité dans des matériaux organiques ne contenant aucun ion métallique. Jusqu'à cette découverte on considérait que la supraconductivité était une propriété des métaux.
1980 : découverte de la coexistence de la supraconductivité et du ferromagnétisme dans les phases de Chevrel (formule MnMo6X8, M :métal, X : S, Se ou Te) qui n'obéissent pas à la théorie BCS.
1987 : supraconductivité dans les oxydes de cuivre à haute température critique qui n'obéissent pas non plus à BCS !
1990 : supraconductivité dans les fullerènes dopés K3C60 et Rb3C60. Ils suivent BCS.
2001 : supraconductivité dans le produit commercial MgB2. (Tc = 40 K)
2008 : supraconductivité dans les pnictides ( LnFePnO, Ln = La, Ce, etc., Pn = As, P, etc.) à base de fer. (Tc = 55 K). Ces composés ne sont sans doute pas non plus des composés "BCS".
Une mine de prix Nobel !
1913 : Kamerlingh Onnes (découverte de la supraconductivité)
1972 : J. Bardeen, L.N. Cooper, J.R. Schrieffer (Théorie BCS)
1973 : I. Giaever (effet tunnel dans les supraconducteurs)
B. Josephson (effet Josephson)
1987 : J.G. Bednorz, K.A. Müller (supraconductivité dans les oxydes)
2003 : A.A Abrikosov, (Théorie des supraconducteurs)
Que reste-t-il à faire ?
Pas mal de choses :
Comprendre le mécanisme de l'appariement dans les oxydes,
Explorer la coexistence ordre magnétique / supraconductivité,
Trouver enfin le matériau avec Tc > 300 K !
Pour en savoir (beaucoup) plus, lire par exemple le livre de Ph. Mangin et R. Kahn, Supraconductivité (Introduction), éditions EDP sciences 2013, qui contient une foule de références sur le sujet.
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